On n’est pas seulement jumeaux dans le corps, on l’est aussi dans la façon dont les autres nous perçoivent. Dans cette lettre longue d’un été – celui qui mène le frère et la sœur au diplôme de piano et à la fin du conservatoire – nuit après nuit, le farouche Michele, dans l’attente du retour de la solaire Francesca, remonte l’histoire de sa famille avec l’instinct et l’effort du saumon. Il le fait avec le langage simple et dépouillé de celui qui est venu au monde trois cents secondes avant de pleurer et qui est resté toute sa vie en apnée, en retard, étrange, penché sur les touches. À la place des rapides, il rencontre les secrets de son père, présence lumineuse désormais lointaine, insaisissable. À la place des ours, tous ceux qui tentent de l’arracher à son voyage pour le ramener au réel : une mère aimante et surprotectrice, un professeur de musique tenace qui ne laisse aucun répit à son talent ; deux parents occupés à dissimuler on ne sait quelle honte anachronique ; les relations douloureuses de Francesca mêlées aux siennes, fusionnées jusqu’à n’en former qu’un seul objet de désir. En toile de fond, la ville de Viareggio qui s’ouvre sur la côte au pied des Alpes Apuanes, tel un sourire mais défiguré par la catastrophe ferroviaire du 29 juin 2009. Les saumons attendent le mois d’août est le récit à rebours qui conduit à une décision définitive – « le moment de se détacher de la multiplicité des possibles », pour reprendre les mots de Calvino. C’est l’histoire d’un amour qui se dédouble continuellement entre les mains de Michele, agrippées pour la dernière fois à celles de Francesca, pour toujours à un piano.